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Battre aux rythmes de la ville

La ville-image

façades

À travers ces souvenirs fragmentés jaillissent les empreintes d’espaces interstitiels, intermédiaires, temporaires. Derrière ses façades, la ville invisible se donne à voir, et avec elle un monde tout à la fois étrange et familier : elle offre un imaginaire où les temps domestiques se mêlent à nos rues décloisonnées.

Voici une ville parmi tant d'autres, une accumulation d'immeubles aux frontières incertaines. Dans ses espaces sinueux et cloisonnés se forme un sentiment étrange ; tandis que les mouvements incessants et l'hystérie se brouillent pour disparaître peu à peu dans une immobilité apparente, un monde de représentations se dresse devant nos yeux. Nous avons dû souffrir de déréalisation durant des jours et des nuits, car ici plus rien n'est réel sauf notre vision propre.

Pourtant, c'est comme si ce que nous voyons ne pouvait être qu'un spectacle fugace : un univers impalpable où la frénésie habituelle aurait déserté la ville, comme si nous ne pouvions entendre qu'un lointain bruit de fond, à peine audible. Je me mets à penser à ce que j'ai vécu, ce que j'ai pu voir ou même rencontrer, et deux mots flottent dans l'air : étrange et familier, deux adjectifs indissociables qui reflètent l'image de la ville. Les grands immeubles, les rues pavées ou goudronnées, les éléments urbains qui font notre quotidien et qui d'un coup se mêlent aux étendues plus vastes – des paysages distants et pourtant limitrophes. Ces territoires semblent avoir toujours été là, nous laissant supposer que la foule a disparu.

Laissons donc place au souvenir d'une ville fragmentée, imaginons ces espaces incertains, ceux que l'on n'a pas pu voir, ou que l'on a pas su rencontrer.

Il m'arrive bien souvent de croire que le vide est comblé, qu'il n'a peut-être même jamais existé, puisque l'imagination s'occupe de le remplir. Une croyance qui laisse subsister le doute, où toute certitude est mise au rebut, et où ce qui semblait bref comme une réminiscence se transforme en une immuable présence. Du gouffre de Pascal nous vient un rêve baudelairien, et c'est tout naturellement que nous voyons les fenêtres closes d'un spleen parisien : un cadre fermé qui pourtant s'ouvre à nous. Laissons donc place au souvenir d'une ville fragmentée, imaginons ces espaces incertains, ceux que l'on n'a pas pu voir, ou que l'on a pas su rencontrer. Ici une lueur derrière un volet, là-bas des bruits qui résonnent dans les rues, des rires, des larmes, des cris ou des soupirs, puis un numéro sur une porte, parmi tant d'autres. La ville est faite de toutes ces choses-là.

Nous voilà errant pendant ces heures perdues, comme si nous avancions nus, fébriles, dépossédés de tout, presque abrutis par un non-événement, un arrêt sur image dans un bien mauvais film.

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Mais même ce genre d'assertion semble parfois révolu. C'est comme si tout s'éclipsait progressivement, ne laissant là qu'un décor abstrait. Nous ne pouvons plus rien attendre, et quand nous n'attendons rien, le temps paraît s'arrêter, les choses deviennent sourdes, silencieuses, étouffées. En somme, la seule chose en laquelle nous pourrions croire réside en un vaste voile illusoire. Comment ne pas être exaspéré par une vision pareille ? Nous voilà errant pendant ces heures perdues, comme si nous avancions nus, fébriles, dépossédés de tout, presque abrutis par un non-événement, un arrêt sur image dans un bien mauvais film. Dans un monde pareil, que pourrait-il rester ? Quelques étrangers subtilement troublés, le regard ankylosé devant une ville-image, sans espace intime, l'apparence pour seul refuge.

Mais il en faut peu pour passer du spectacle au « spectre » – le lien étymologique est d'ailleurs troublant – ainsi une ville fantôme ne serait que le simulacre émis par ce qui la compose. Et si tous ces objets sont des masques, alors les visages qu'ils cachent ne sont probablement pas si loin, même quand on ne les voit pas.