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    Le 29 septembre, ça fera 24 ans que je suis ici. Cet immeuble appartient à Creusalis. C'était une maison des sœurs dans laquelle il y a maintenant huit appartements et seulement quatre locataires. Avant, c'était vivant, il y avait plein d'enfants, on était jeune. On s'entendait bien, mais maintenant, tout ça c'est fini. Il n'y a plus d'échange du tout. Je ne vois pas mes voisins, je ne sais pas ce qu'ils font. Il y a des personnes âgées, mais je ne les fréquente pas. Mes enfants souhaiteraient que je prenne quelque chose en rez-de-chaussée, mais je ne veux pas. J'ai fait une demande il y a quelques années, j'en ai eu un, mais je me suis rétractée. J'ai fait croire à mes enfants que ça avait été refusé ! Cet appartement, je ne veux pas le quitter, je l'ai eu propre. C'est le premier appartement que j'ai eu neuf ! Et puis, j'y ai mes habitudes. J'y suis bien et je peux encore monter les escaliers. En espérant que le bon dieu me laisse encore une dizaine d'années à vivre ! Mes enfants sont tous partis de la Creuse parce qu'il n'y a pas d'avenir ici. Ça m'a fait bien mal au cœur de les voir partir les uns après les autres, mais qu'est ce que vous voulez faire, il n'y pas de travail. Ils n'auraient pas pu avoir la situation qu'ils ont en restant ici.
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    On est tous les deux Creusois par un de nos deux parents. On a grandi à Ahun et à Lavaveix. Après nos études, on a eu l'opportunité d'habiter ici. L'appartement a été rénové il y a un peu plus d'un an. On a écrit une lettre qui est passée en Conseil Municipal et la demande a été acceptée en raison de nos revenus. C'est bien situé par rapport à nos lieux de travail, à Bourganeuf et à Guéret. Et puis on a un peu flashé. Autre avantage, on n’est pas loin de la famille ; c'est important pour nous. On a quelques amis qui sont partis chercher du travail ailleurs, beaucoup à Paris. C'est difficile partout en ce moment, alors si on peut trouver du travail dans notre région, ce n'est pas plus mal. Les jeunes de notre âge, s'ils trouvent dans la Creuse, ils y restent, c'est sûr. L'image de la Creuse est assez négative. On nous prend pour des paysans qui n'ont pas beaucoup de magasins et qu'un seul Mac Do. C'est dommage, parce que c'est une chance d'habiter ici.
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    Mon père est venu ici avant nous, comme beaucoup d'autres Italiens. Ils ont été employés pour aller travailler dans les carrières de granit au-dessus des baraquements. Lorsque le patron décidait de les garder, les hommes avaient un papier à aller donner à la mairie et à la préfecture puis ils venaient nous chercher en Italie. C'est comme ça qu'on est venu avec ma mère et mon frère, retrouver mon père à Guéret. On était traité comme des bêtes ici, on nous appelait "les macaronis". Et puis après, on s'est bagarré pour se faire accepter. Ces cabanons ont été construits par les Anglais début 1900 pour loger ceux qui travaillaient aux mines. Ça a été ensuite racheté par un Alsacien qui a fait venir d'autres ouvriers. Chacun avait sa petite cabane avec son jardin devant. Pendant la guerre, on était 200 à vivre ici. C’était les logements sociaux de l’époque ! On avait tapissé les intérieurs avec des journaux et des cartons qu'on ramenait de chez l'épicier. Petit à petit, on a arrangé, on a mis du bois, on a fait tout ce qu'on a pu. À l'époque, pour les Italiens, c'était une aubaine de se retrouver ensemble, d’avoir un travail et un logement. Pour nous, il n'était pas question de partir d'ici, c'était agréable, à deux kilomètres de Guéret. On est tous originaire du même bled en Italie ; on est parti de là-bas parce que c'était la famine. Et aujourd'hui, il ne reste plus que moi. Je suis la mémoire des lieux. Après moi, ça sera fini.
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    Je suis venue vivre ici lorsque j’ai quitté mon mari. J'ai trouvé du travail à la mairie et on m'a proposé ce logement. C'était en 1997 mais je suis née dans le petit village juste à côté. Ça fait 18 ans que je suis dans ce logement. J'y suis bien, j'y suis très bien même et je ne me vois pas habiter ailleurs. J'adore avoir une petite cour derrière, mon grand rosier devant, j'adore être là et je crois que sans ça, je ne pourrai pas vivre. Lorsque je suis arrivée, il y avait des murs en imitation bois et je n'en pouvais plus de les voir. Toute la maison a été refaite, ils avaient fait des travaux dans les logements à côté, ils ont refait ma maison aussi. J'ai demandé à la mairie de me peindre les murs avec certaines couleurs : du jaune, du vert. En haut, au lieu d'avoir une grande pièce qui ne servait à rien, ils m'ont refait la séparation comme c'était à l'origine avec la salle à manger d'un côté et la chambre de l'autre. Je me retrouve aujourd’hui avec une maison qui a une salle manger, une cuisine, un salon, ma chambre à coucher et une chambre au deuxième ou je peux recevoir. J'en suis reconnaissante, mais jusqu'à un certain point car l'eau passe sous les fenêtres et ma porte d’entrée est une vraie passoire. Je sais qu’ils ont fait ce qu'ils ont pu avec les moyens qu'ils avaient.
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    J'ai habité dans l'Indre, puis dans la Creuse. Quand mes parents m'ont mis dehors, je suis allé dans un foyer, j'ai eu un CES durant deux ans, puis j'ai été reconnu travailleur handicapé. J'ai vécu dans plusieurs foyers avant d'arriver dans ce logement il y a 4 ans. J'ai demandé à ma curatelle à avoir un appartement assez grand, plus que là où j'étais avant parce que je n'arrivais pas à circuler. Déjà ici, j'ai du mal, je vais changer de meubles pour avoir plus de place. Je me plais bien dans la Creuse parce que j'aime bien me balader dans la campagne. Le matin, je me lève très tôt pour promener le chien et je passe beaucoup de temps dehors dans la journée. Je sors 3 ou 4 fois par jour, je vais à Leclerc, je vais à mon jardin de temps en temps et je fais tout le tour de la ville avec mon chien. Le reste du temps, j'aime bien m’occuper de mon logement. Je vais m’acheter une chaine hifi qui va s'éclairer quand on mettra de la musique et j'adore ça, j'ai beaucoup de CD. Je m'occupe de la décoration également : j'ai récupéré des affiches pour faire mon salon correctement. Le poster de la *Star Academy*, je l'ai acheté quand je suis allé au concert. Je m'occupe aussi de mon balcon, je le fleuris et je compte mettre des palmiers de 2 mètres à l'intérieur.
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    J'avais juste ma valise ; ma fille m'a mis dans le train parce qu'elle ne voulait pas que je reste en région parisienne, j'étais trop connu. Ça va faire 8 ans que je suis ici. J'ai été pendant un an chez mon ex, en caravane sur son terrain. Mais ça fait 45 ans que je viens ici parce qu'on a un terrain dans le village, on passait toutes nos vacances par ici et je me sens à moitié Creusois. Ma mère est décédée quand j'avais 7 ans, mon père nous a laissé tomber quand j'avais 1 an, c'est le monsieur qui vivait avec ma grand-mère qui nous a élevé sinon on se serait retrouvé à l'ADASS. En fin de compte je me suis installé là pour me soigner et finir mes vieux jours ici. J'espère que je vais rester jeune comme Johnny Hallyday, il a 72 ans, j’aimerais bien aller jusque là. Il y a des posters de lui partout ici. J'espère qu'il va continuer à faire des concerts pour que je récupère encore des choses de lui pour faire l'autre pièce et le plafond avec ses photos. Je suis un fan quoi, on en a chacun un, c'est comme un chat : si on prend une bête, on la garde. Je dors avec lui et je me réveille avec lui. Et ça, c'est depuis tout petit. Tout Johnny, je prends et c'est sans compter tout ce que j'ai laissé à Paris car ce qui est là ne correspond qu’à 8 ans de collection. Si j'avais tout ici, il faudrait la salle des fêtes pour tout accrocher ! Je récupère tous les articles sur lui, des histoires vraies ou pas. Un jour je ferai un livre, tout ça vaudra de l'argent et j'espère qu'un de mes enfants le récupèrera.
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    Mon épouse est originaire de La Souterraine, nous sommes partis 17 ans à Tours et nous sommes revenus ici en 2008. J'étais profession libérale, puis nous sommes rentrés parce que ma belle-mère est âgée. On a beaucoup circulé avec mon métier : on est allé à Grenoble, Tours et La Souterraine. Nous avons vécu essentiellement en logement social et cela ne me gêne pas. À partir du moment où c’est bien tenu, je ne vois pas le problème. C'est très calme ici hormis le bruit de la circulation. Pour le reste, tout dépend du bâtiment, disons qu'on est bien tombé. La décoration est héritée de la famille. Nous sommes un petit peu dans la noblesse. J'ai ce style d'ancienneté qui me reste. Lorsqu'on déménage, on essaie de recréer ce cadre de vie. On suit de génération en génération la tradition mais ça ne nous empêche pas de vivre à notre époque.
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    J'ai trouvé cette maison sur "Le Bon Coin". J'ai été étonnée du prix par rapport à la taille de la maison. Et lorsque je l’ai visitée, j'ai eu un coup de cœur parce que c'est une maison familiale. Cette maison a été reprise en SCI. Les propriétaires ont eu des subventions pour faire des travaux et ça implique qu'ils ne peuvent pas la louer chère et que le loyer ne peut pas être augmenté. Pour l'avoir, il fallait rentrer dans des critères particuliers. Moi je l'ai eu parce que je suis seule avec deux enfants. Un couple avec deux salaires qui gagnerait environ 3000 euros ne pourrait pas la louer. C'est vraiment pour des personnes qui ont des revenus assez bas ; c'est un logement social. Il n'y a pas l'équivalent à Guéret, je ne pourrais pas trouver mieux : on a 5 chambres, un salon / salle à manger, le garage, le terrain, la vue et on n'est pas isolé des gens, on est à 3 minutes du centre-ville en voiture. Avant ça, j'étais en Office HLM, après j'ai loué à un particulier un F3 qui était assez cher. Aujourd’hui, j’arrive à faire des économies sur beaucoup de choses. J'ai un jardin aussi, avant je ne savais pas jardiner, la maison m'a appris ça. Lorsque quelqu'un recherche un appartement et que je vois tout ce qu'on demande, ça ne m'étonne pas qu'il y ait des gens qui aient un travail et qui ne trouvent pas à se loger. Il faudrait qu'il y ait plus de monde qui loue moins cher, je ne dis pas gratuitement, mais moins cher.
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    Je suis Ch'timi, du nord, on dit *tête cramée* chez nous. Je suis arrivée en Creuse à 14 ans pour garder les vaches. Et depuis, ça m'a plu de rester par ici. J'ai travaillé un peu partout jusqu'à la retraite, d'abord à Guéret, puis j'ai vécu à Aubusson pendant 11 ans et je suis revenue à Guéret il y 9 ans. Je vis en HLM. Je ne sais pas si c'est du logement social, j'ai trouvé ici, je l'ai pris, je ne me suis pas posée la question. Je suis venu là et je ne m'occupe pas du reste. D'ailleurs, je n'ai jamais pensé que c'était du social. Ça fait 31 ans que je suis locataire pour ainsi dire. C'est du pareil au même pour moi. Il y en a qui se trouvent malheureux comme ça, mais moi ça me convient bien et lorsque ça ne va pas, je le dis au gardien, il vient voir et s'en occupe, c'est formidable. Ma copine est en bas, ça fait 3 ans qu'on est ensemble. Je vais souvent chez elle. Je paie mon appartement, mais je dors chez elle, je le garde parce que si l'un part avant l'autre, je ne sais pas ce qui va se passer.
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    Je suis née à Guéret et je vivrai toujours ici. Mes parents sont nés en Savoie et dans le Cher mais on est originaire d'Alsace. Il ne faut pas confondre les gitans et les manouches. Nous sommes des gitans et catholiques. Il y en a qui disent qu'on vient de la Bohème, mais ce n'est pas vrai. Avant d'être là, on a voyagé beaucoup mais on a arrêté il y a quelques années parce qu'il fallait mettre les enfants à l'école et qu'on ne pouvait plus rester longtemps sur les campements. On a vendu les caravanes, on part juste l'été pour camper en toile de tente. À l'époque, personne ne savait lire alors que maintenant nos enfants apprennent. On habite ici depuis 1996. Creusalis a acheté quatre maisons ensemble pour les louer à notre famille. Ils nous ont demandé si ça nous dérangeait d'être tous au même endroit, mais au contraire, ça nous va bien comme ça il n'y a pas de problème de voisinage. Lorsqu'on est arrivé, mon fils a tout refait, il a mis du carrelage, mais il faudrait refaire des travaux. Les personnes d'ici devraient être contentes qu'on soit là parce que les habitants qui vivent dans la Creuse meurent petit à petit et grâce à nous, il y a un peu de monde qui reste.
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    On habitait sur la Dordogne, à Brive, puis mes parents sont venus retrouver leur famille sur Guéret quand j'avais 13 ans. J'habite dans cette maison depuis 2 ans et demi. J'ai maintenant 24 ans et demi et 3 enfants de 9 ans et demi, 6 ans et demi et 2 ans et demi. Avant, on vivait chez ma belle-mère parce que je fréquentais son fils. Je me suis mariée, j'ai fait une demande de logement et j'ai eu cette maison par Creusalis. Avant d'être ici, j'ai eu une maison chemin des Marguerites, c'était celle de ma belle-mère qui nous l'a laissée, puis j'ai déménagé à Sardent où j'ai eu deux maisons. Puis, je me suis ennuyée de ma famille, je trouvais que c'était un peu trop loin Sardent et j'ai voulu venir sur Guéret. C'est moins triste Guéret ; c'est plus commode aussi pour l'école, les papiers, les magasins et si la voiture casse, c'est plus facile d'aller à pied que Sardent où il faut faire 15 km pour tout. Lorsqu'on est arrivé dans cette maison, on a refait les papiers peints parce que c'était un peu vieux. On refait peu à peu parce qu'on n'a pas de travail. J'ai calculé, je donne 355 euros par mois pour les frais de la maison, la cantine et la voiture. Je fais attention de faire mon mois avec ce qui reste. C'est un peu serré, mais j'y arrive.
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    Je suis venue en Creuse pour rejoindre mon mari ; je viens de Limoges. On s'est connu sur Internet. Il était en liquidation judiciaire et a dû vendre sa maison. On a fait une demande de logement à Coprod. Celle-ci était alors en construction. C'est tombé au bon moment pour nous. Lorsqu'on est arrivé en 2006, c'était tout neuf, on était les premiers locataires. Je compte faire bientôt quelques travaux comme la tapisserie qui ne me plaît pas, mais j'ai peur que le placo parte avec. On nous a dit qu'on pourrait acheter au bout de plusieurs années, mais comme ça se fissure de partout, on ne pense pas le faire. Moi je m'y plais dans la Creuse, ça a été dur au départ, mais maintenant ça va mieux. Mon mari connaît tout le monde. Quand on n’est pas Creusois, c'est moins évident parce qu'ils sont tous cousins ou se connaissent depuis l'enfance. À Limoges, j'habitais dans les HLM en ville, alors quand on arrive à la campagne, ça ne fait pas pareil. L'été ça va, mais l'hiver, c'est dur. J'aime bien vivre à la campagne, on passe un pied et on est dehors. Ici, on rencontre toujours quelqu'un à qui parler, alors qu'en HLM, c'est rare, c'est chacun chez soi. Mais le point négatif, c’est l'éloignement des commerces : s'il manque quelque chose, on est obligé de faire 20 km, sans parler de l'essence, si on n'a pas de carte bleue, il faut aller jusqu'à Felletin ou Aubusson.
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    Ça fait 3 ans qu'on est là. On est arrivé après la fermeture de l'*Alimentation* que ma mère tenait, elle vendait un peu tout mais avec l'arrivée des grandes surfaces, ça n'a plus été pareil. Quand ma mère a arrêté son travail, il a fallu qu'on trouve un logement sur Guéret. Comme on devait rendre l'appartement situé au dessus du commerce et que mon père est décédé, j'ai demandé un logement plus grand à Creusalis pour qu'elle s'installe avec moi. Elle ne voulait pas partir vivre toute seule dans la maison qu'elle a à la campagne. Ce n'est pas loin, mais elle ne conduit pas alors elle ne peut pas y aller seule. Mais ce n'est pas formidable ici, il y a du bruit la nuit. Comme j'étais pressé, j'ai pris quelque chose vite fait. On n'a rien fait dedans, on l'a pris dans l'état qu'il est et on l'a meublé avec ce qu'on avait. Je vais peut-être demander à changer pour quelque chose à l'étage. Dans l'appartement, on a chacun notre coin. Si l'un des deux veut se coucher plus tard, il n'y a pas de problème, on ne se dérange pas. Ma mère passe beaucoup de temps ici, trop même parce qu'elle s'ennuie, ça lui fait drôle de ne plus voir de monde.
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    Je suis là depuis 2008. Lorsque mon père est mort au pays, ma maman est venue en France et je suis venue la retrouver. J'ai vécu un an chez elle à Mérinchal et je suis venue à Guéret après avoir accouché à Montluçon en 2009. L'assistante de ma mère me suivait et elle m'a demandée de choisir entre Guéret, Aubusson et Auzance. J'ai choisi Guéret un peu par hasard. Puis, elle m'a demandée de choisir entre une maison et un appartement, j'ai préféré un appartement. J'ai été d'abord au 6ème étage. J'y ai passé un an, mais mon fils ouvrait tout le temps le balcon alors que j'étais dans la cuisine. Ça me rendait malade. Ensuite, ils m'ont donnée ce logement, depuis ça va bien mieux. Tant que je n'ai personne dans ma vie, je reste là, mais si je trouve un mari, je partirais même si Guéret me convient bien. J'ai grandi dans une grande ville africaine et maintenant je préfère vivre dans une ville plus petite comme ici. Je compte rester en France et aller là où je trouverai le bonheur. Chez moi, j'ai fait textuellement comme faisaient mes parents : quand je travaille quelque part, j'ai envie de garder un souvenir. Pour que l'argent que je gagne ne parte pas que dans les factures, j'achète un meuble à chaque fois. Pour moi, c'est très important d'être bien chez soi. Si je n'ai pas de rendez-vous, je reste ici et je prends un livre ou je vais sur l'ordinateur.
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    Je suis venue dans ce logement parce que je ne pouvais pas aller ailleurs. J'ai toujours vécu à Mérinchal. Je suis partie quelques temps en Charente, mais je n'ai pas pu m'y habituer, alors je suis revenue là quand ça a été construit. On avait réservé ce logement depuis un moment, mais ça a mis du temps à se construire. En attendant, j'ai vécu dans un appartement au dessus de La Poste. Si tôt que ça a été prêt, je me suis installée ici. Avant, j'habitais dans une maison, mais comme mes enfants sont loin, ils ne peuvent pas s'occuper de moi et ne viennent que pour les vacances. Ça fait un peu vide lorsqu'on est seule, mais il faut s'y faire. J'ai toujours vécu dans la Creuse, ma mère aussi et mon père était originaire du Cher. On a vécu dans une ferme. Dans le village, les gens sont âgés pour la plupart, c'est bien pour ça qu'ils ont monté cette unité de petites maisons qui sont toutes occupées. Je ne connais pas tout le monde ici, mais je ne vois pas trop de monde car je ne sors pas beaucoup.
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    L'arrivée ici s'est faite très vite. Ça faisait 10 ans que j'étais dans le quartier du Brésard, je ne pouvais plus y rester, c'était au 3ème, mal éclairé et bruyant. La Maison Familiale m'a contactée et m'a proposée cet appartement que j'ai accepté tout de suite parce qu'il est plus grand, il y a plus de lumière, j'entends les oiseaux et c'est très agréable. On voit bien que c'est une maison qui a un vécu et c'est bien plus agréable de marcher sur du vrai bois plutôt que sur du lino. On se sent beaucoup mieux avec ma fille qui a une grande chambre, elle peut recevoir des amis et faire de la gymnastique. Il y a quatre logements dans l'immeuble. Tous les locataires paient le même loyer même si les surfaces sont différentes. Je trouve ça formidable parce que sans travail et avec des moyens très limités, ces gens là font en sorte qu'on se sente bien chez nous et que tout le monde puisse accéder à un beau logement. J'ai toujours vécu en logement social. Ici, c'est ma première maison. Même si c'est un appartement, comme il y a du terrain et que c'est grand, pour moi, ce n'est plus une HLM. J'attendais ce moment depuis longtemps, je m'étais toujours dit qu'un jour je ne vivrais plus en HLM et j'ai eu cette chance, j’en suis très heureuse.
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    Lorsqu'on dit HLM, c'est tout de suite le quartier, le bazar, le problème, mais ce n'est pas que ça, il y une solidarité, il y a de belles choses. Moi ça fait 10 ans que je suis dans les HLM, je ne m'en plains jamais. Rien ne perturbe la vie de ma famille, bien au contraire. Il y a quelques temps, ma deuxième fille est tombée très malade et j'ai été très entourée. Le voisinage s'occupait de mes enfants, du repas, je n'avais pas à me soucier de ça et ce n'est pas lié aux origines, mais au fait de vivre dans le quartier. C'est notre manière de faire : s'il y a un problème, on s'entraide. On cherche d'abord une solution entre nous dans le quartier pour éviter de solliciter l'extérieur. C'est peut-être aussi parce qu'on est en Creuse, la vie est tranquille, il n'y a pas beaucoup de HLM et pas beaucoup de gens. Mes enfants sortent tous seuls dans le quartier et je ne m'inquiète pas. À partir de 4 ans, ils peuvent jouer dehors parce qu'il y a toujours des adultes qui surveillent. On pense partir de Bourganeuf et aller vivre à Limoges pour le travail de mon mari et les études de mes enfants. Ça va être dur car je connais tout le monde ici, mes enfants y sont nés. Cet appartement ne m'appartient pas, il est à l'état, mais j'y ai mes souvenirs.
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Le 29 septembre, ça fera 24 ans que je suis ici. Cet immeuble appartient à Creusalis. C'était une maison des sœurs dans laquelle il y a maintenant huit appartements et seulement quatre locataires. Avant, c'était vivant, il y avait plein d'enfants, on était jeune. On s'entendait bien, mais maintenant, tout ça c'est fini. Il n'y a plus d'échange du tout. Je ne vois pas mes voisins, je ne sais pas ce qu'ils font. Il y a des personnes âgées, mais je ne les fréquente pas. Mes enfants souhaiteraient que je prenne quelque chose en rez-de-chaussée, mais je ne veux pas. J'ai fait une demande il y a quelques années, j'en ai eu un, mais je me suis rétractée. J'ai fait croire à mes enfants que ça avait été refusé ! Cet appartement, je ne veux pas le quitter, je l'ai eu propre. C'est le premier appartement que j'ai eu neuf ! Et puis, j'y ai mes habitudes. J'y suis bien et je peux encore monter les escaliers. En espérant que le bon dieu me laisse encore une dizaine d'années à vivre ! Mes enfants sont tous partis de la Creuse parce qu'il n'y a pas d'avenir ici. Ça m'a fait bien mal au cœur de les voir partir les uns après les autres, mais qu'est ce que vous voulez faire, il n'y pas de travail. Ils n'auraient pas pu avoir la situation qu'ils ont en restant ici.
Habiter, des désirs au projet

Paysages domestiques

Dans notre quête des « désirs d'habiter », cette série nous aide à franchir un seuil. Les photos, ainsi que les retranscriptions d'entretiens qui les accompagnent, racontent tout autant la singularité et l'intimité d'un chez soi que les grandes trajectoires de nos parcours résidentiels. Entre anecdotes et destins croisés, ces habitants nous ouvrent leurs portes !

Invitée par le lieu de résidence de création artistique La Métive en Creuse et dans la continuité du projet « Espaces partagés » portant sur quatre quartiers distincts de logements sociaux en France, je suis partie à la rencontre des habitants de logements sociaux dans le département de la Creuse. Situés pour l'essentiel en milieu rural, les logements occupent des bâtiments divers : habitats individuels, petits collectifs, bâtiments anciens classés, etc. Les initiatives des collectivités locales sont nombreuses pour s'adapter aux spécificités des locataires. La diversité de ces situations permet de contribuer à renouveler l'image du logement social aujourd'hui.

Projet réalisée avec le soutien de la Métive en Creuse, de Creusalis, du service Culture du Conseil Général de la Creuse et de Leroy Merlin Source.